[Présentation & BG] Tout commence par le Zzzlip de Mégak

Il était là, assis sur une butte. Une goutte de sueur glissait de son épaisse crinière rouge sombre. Comme tout vrai Sadida il savait très bien se fondre dans la nature. Personne ne pouvait, à cet instant, ne serait-ce que l’apercevoir au milieu de ces herbes hautes. Il les voyait au loin. Ce groupe d’abraknydes qui ratissaient la terre avec leurs épaisses racines gluantes. Plusieurs araknes apparaissaient soudainement sur leur passage, trois sangliers se disputaient les quelques glands qui traînaient au sol.
Son marteau appuyé au sol, Mégakouyu avait la main gauche tremblante et un tambourinement puissant qui torturait sa poitrine.
« Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ! C’est bien la première fois que je crains le combat ? » Le seul fait de se parler à lui-même le rassurer.
Il savait que ce combat était un passage obligatoire pour monter dans la hiérarchie des Kouyu. La tradition du Zzzlip chez les Kouyu était à la fois une religion, un art de vivre, voire même une raison de vivre. Quoi ? Pardon ? Le Zzzlip ? Oui suis-je bête tout le monde n’est pas sensé connaître tous les rites Sadida, fort nombreux qui plus est. Ceci mérite une petite explication.

Vous aurez sûrement remarqué, si vous avez parcouru les grandes contrées d’Amakna, que les Sadidas attachent une grande importance à leur Zzzlip. « Zzzlip » en langage Sadida signifie à la fois « honneur » et « pudeur ». Il s’agit, tout simplement, de ce qui cache le puissant appareil génital des Sadidas. Pourquoi est-il si important ce Zzzlip ? Et bien beaucoup d’études ont été faites sur le sujet, d’ailleurs les plus grands Sadidologues disent que l’importance du Zzzlip est liée à des expressions tel que : « les bijoux de famille ». Dans celle-ci, est clairement contenue la valeur familiale de ce que contient le Zzzlip. Or la famille est une chose importante chez les Sadidas. Maintenant, plus que le Zzzlip lui-même, c’est la couleur du Zzzlip qui compte. Nous pouvons compter quatre niveaux de Zzzlip répartis selon quatre couleurs (ceci dit, nous trouvons des variantes selon les familles Sadidas) : vert, bleu, rouge et blanc. Le vert représentant la naissance, la non maturité ; le bleu signifiant une transition (souvent accompagné du premier poil sur le pubis) ; le rouge, symbole de maturité (souvent lié à la façon dont le mâle Sadida rougit face au sexe opposé durant cette période) ; le blanc, signe de pureté et de sagesse. Evidemment les plus vieux Sadidas, ou en tout cas les plus sages portent le Zzzlip quatre couleurs ! Celui qui a un Elazzztike blanc. Mais de mémoire d’Enutrof seul le grand Sadida GrynePyce a un jour porté ce fameux Zzzlip quatre couleurs.

Où en étions-nous ? Ah oui le Zzzlip ! Désormais nous savons pourquoi les Sadidas sont très souvent seulement vêtus d’un Zzzlip ou pourquoi certains le portent par-dessus leur pantalon.

Mégakouyu se tenait là devant son défi qui lui permettrait d’obtenir son Zzzlip blanc, symbole de sagesse et de puissance. Combattre les deux abraknydes de la clairière du sud, voilà ce qui était écrit dans le parchemin des kouyus.

Mégakouyu tremblait de plus en plus mais il ne comprenait pas pourquoi, il en découvrira l’explication après l’affaire qui va suivre.
Soudain, sans savoir pourquoi, avec un hurlement primitif, et le marteau tournoyant dans les airs, Mégakouyu dévalait la butte pour rejoindre ses ennemis au milieu de la clairière. Le hurlement et la surprise provoquèrent un premier geste de recul chez les sangliers dont la bouche débordait de glands. Il n’en était pas sûr, mais Mégakouyu eut l’impression d’entendre un léger ricanement sortir de la bouche béante du plus gros des abraknydes. Sans s’attarder sur la question il tendait la main vers l’avant, le plat de la main en direction de l’armée d’araknes qui le chargeait. Plusieurs de ces maudits insectes furent projetés au sol, les pattes frémissantes en direction du ciel. Mégakouyu mit un genou a terre, son marteau s’écrasa sur une arakne encore vivace, tandis que de l’autre main une racine surgit pour se planter dans le sol provoquant un tremblement de terre puissant. Les sangliers, déséquilibrés par ce tremblement soudain, furent surpris de voir Mégakouyu déjà très proche d’eux. Alors qu’ils se préparaient à écraser leurs terribles défenses sur les jarrets du courageux Sadida, Mégakouyu esquissa un léger mouvement du bras, puis s’arrêtant net, une graine apparut sur la paume de sa main. Tombant directement sur le sol verdoyant de la prairie, la graine ne fit aucun bruit. Il en suivit comme une ondulation de toute la végétation, puis dans un mélange de choc et de craquement, de nombreuses racines s’agrippèrent violemment à l’épais pelage des sangliers. Ces derniers exprimèrent leur mécontentement dans un dernier grognement, mélange de désespoir et de libération.

Mégakouyu s’était redressé. Il respirait rapidement. L’excitation du combat l’avait emporté. Il en oublié presque le respect qui est dû à l’ennemi dans la tradition Sadida. Reprenant à la fois son calme et ses esprits, il observait en détail ses deux derniers ennemis qui avaient pris pour parti de l’encercler. Un des deux abraknyde était nettement plus gros que l’autre. Mégakouyu prit sa décision. Il désigna le plus petit abraknyde du doigt, une racine lacéra son écorce, ses membres se paralysèrent. Un léger sourire pointa au coin de la bouche de Mégakouyu, ce qui ne fut pas le cas de son adversaire. Dans un second mouvement il put lancer une graine en direction du gros abraknyde, puis une autre à coté de lui. Le plus solide des adversaires dût faire face à une armada de ronciers qui agressèrent ses bourgeons. A coté de Mégakouyu apparut une poupée en toile, équipée d’un bandeau rouge autour de la tête. Celle-ci sans demander d’explication se colla au plus petit des abraknydes comme pour lui faire un tendre câlin. Dans un fracas terrifiant la poupée explosa tout comme l’abraknyde qu’elle embrassait. Plusieurs morceaux d’écorces s’éparpillèrent autour des deux derniers combattant. Un long silence se fit sentir, comme si l’abraknyde restant, et de façon générale la nature, réfléchissaient. Un papillon qui passait par là osa se poser sur l’abraknyde pétrifié de terreur face au puissant Sadida. Les deux combattants regardèrent cette fragile créature faire vibrer gracieusement ses ailes. Serrant son marteau d’une poigne de fer, Mégakouyu lança un regard de défi à l’abraknyde qui comprit immédiatement qu’à cet instant il était aussi fragile que ce beau papillon qui fureté l’air de ses antennes. Un de ses bourgeons s’ouvrit pour faire sortir une dernière fleur, contemplant ce miracle de la nature, l’abraknyde n’eut pas le temps de voir le marteau de Mégakouyu achever sa pauvre existence.

Mégakouyu nettoyait son marteau rempli du sang visqueux des araknes et de la sève collante des abraknydes. Il récoltait ce qu’il pouvait sur les cadavres, viande, peau, cornes, brindilles. Car s’il existe bien une règle chez les Sadidas c’est de ne pas tuer pour le plaisir, mais bien pour manger. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’idée même de la guerre eut du mal à passer parmi les tributs Sadida. Car si la guerre va de soit pour un Iop, pour un Sadida le combat existe pour manger ou ne pas être mangé. Désormais avec le partage des cultures nous croisons parfois des Sadidas qui n’ont plus aucun respect pour ces anciennes valeurs. Mais ce n’était pas le cas de Mégakouyu. Respectueux de ces anciennes valeurs, il était névrosé de surcroît. L’idée d’avoir mis un pareil bazar dans la clairière l’horripilait. Il se sentait obligé de tout remettre en ordre.

Alors qu’il ramassait la dernière brindille d’abraknyde, une énorme racine surgit du sol pour entourer Mégakouyu. Il fut pris au piège, la racine l’emporta dans le sol, nul ne sait pour quelle raison mais il fut ensuite projeté hors du sol pour rebondir un peu plus loin au pied d’un arbre aux feuilles d’or et d’argent.

Mégakouyu reprit ses esprits pour découvrir que son Zzzlip rouge avait laissé place à un magnifique Zzzlip blanc, tout neuf, à la douce odeur de lavande.

« Toutes mes félicitations Mégakouyu ! Tu mérites l’espoir que ton ancêtre a mis en toi ! » Gronda l’arbre d’une voix caverneuse.

« Mon ancêtre ? Ecoute vieil arbre même parmi les plus vieux Kouyu on ne sait quel est notre ancêtre, j’ignore comment tu pourrais me l’apprendre ! » Le ton de Mégakouyu était plein d’orgueil et d’irrespect, ce qui n’échappa aucunement au vieil arbre.

« Je te conseille de faire preuve de plus de respect envers moi ! Car si tu peux écraser de petits abraknydes, saches que tu n’es qu’un vert de terre pour moi ! » Le simple son de la voix du vieil arbre suffit à impressionner Mégakouyu qui bassa la tête en signe d’excuse.

« Veuillez me pardonner vieil arbre. Je vous écoute quels sont vos ordres ? »

« Ecoutes. Cela fait longtemps que j’attends ce moment. Je connaissais ton ancêtre, aussi vais-je te révéler son nom : GrynePyce le grand. Celui qui portait le Zzzlip quatre couleurs ! » Les yeux de Mégakouyu s’écarquillèrent pour exprimer son admiration et sa fierté. « Il y a longtemps lorsque GrynePyce défia le grand Sadida, nous tous, éléments de la nature nous associèrent à son grand projet. Voyant que Sadida abandonnait petit à petit la nature pour se quereller avec les autres dieux d’Amakna il se rebella contre son propre dieu. Sachant qu’il ne pourrait battre le plus puissant des puissants il créa ta lignée en intégrant dans la matière et l’esprit la force nécessaire pour battre Sadida. Nous nous sommes tous associés à cette action en laissant une partie de nous même dans le sang de ta lignée. Cependant il te manque un élément pour devenir celui qui rendra justice à la nature. Découvrant notre plan Sadida s’empressa, avec l’aide du Chêne mou de tuer GrynePyce, et ce avant le levé du soleil. Ceci eut deux conséquences : l’existence d’une profonde peur de tout ce qui est lié au Chêne mou, puis l’incapacité de notre ami le soleil d’offrir sa puissance à ta lignée. Le puissant soleil arriva trop tard, et lorsqu’il découvrit la dépouille de GrynPyce sa tristesse fut telle qu’il plut pendant des mois. Tu dois trouver la puissance du soleil, pour cela tu dois trouver ses défenseurs. Ils parcourent Amakna depuis longtemps déjà. Ils sont la Ciccex Andsun. Trouve le vieux PayPay, celui qui se nomme aussi Papydurden, il te guidera à eux. »

Désormais c’est de notoriété publique, Mégakouyu a la phobie des araknes et des abraknydes. Avait la phobie devrions nous dire ! Voici comment notre précieux Sadida s’est débarrassé de sa phobie.

Tout a un prix, tout a un coût, n’importe quel radin d’Enutrof vous le dira. Mégakouyu devait rejoindre la Ciccex Andsun, trouver la puissance du soleil pour accomplir la gigantesque tâche qu’avait prévu, pour lui, son ancêtre. Il avait rencontré Blacksad et quelques-uns de ses compagnons à la taverne. Voilà une rencontre amicale qui s’était bien passé. Hélas pour Mégakouyu, les Ciccéens pointèrent leur attention sur cette façon étrange de trembler dés que les mots « arackne », « abraknyde », ou « sur place ou à emporter votre menu ? », étaient prononcés.
Il n’en fut pas plus pour que Blacksad prévoie un rendez-vous dans la Forêt Des Abraknydes.

« Zourgouplof ! », c’est toujours désagréable la sortie du Zap. On a soudainement très chaud puis très froid, et puis cette espèce d’invention on ne sait même pas d’où elle vient. Mégakouyu préférait la marche, plus fatigant mais plus naturellement logique.
« Ils ont qu’à creuser des trous sous terre et nous faire conduire par des charrettes à grande vitesse dans tous ces souterrain tant qu’ils y sont ! ».
Instinctivement, Mégakouyu s’époussetait la cape tandis qu’il cherchait des yeux Blacksad, le guide de la Ciccex. Dés qu’il l’aperçut, il lança un chaleureux BarouM. Il fut reçu d’une poignée de main tout aussi chaleureuse et d’un couinement étrange provenant d’un petit Eniripsa bleuté.

« Gnnnniiii ! »

« Je te présente Bleu, il est comme un frère pour moi. » Blacksad posait la main sur l’épaule du petit Eniripsa qui laissait vibrer ses petites ailes fébriles.

« Ravis de te connaître, Mouai Mégakouyu, fils d’Ultrakouyu, le descendant de GrynePyce. »

« Gnnniii ! »

« Non pas Gnnnniii, Mégakouyu. »

« Gnnnniii ! »

« Bon tant pis. Où allons nous ? »

« Yeeeeeehhhhaaaa ! Mon Kouyu on file dans la forêt, j’ai deux trois choses à te montrer. » Sur ces mots Blacksad et Bleu s’engouffrèrent dans la forêt.
Mégakouyu s’apprêtait à les suivre, mais sa jambe gauche nous voulait plus avancer. Sa main droite fut prise de terribles tremblements.

« Voilà une chose bien étrange, un Sadida qui tremble avant d’entrée dans une forêt. » Se parlant à lui-même Mégakouyu scrutait la forêt, lorsqu’il fut projeté en arrière. A la vitesse d’un tofu fuyant un troupeau de bouftou, une succession d’image défila devant ses yeux. Il le vit, le chêne mou, ce vil serviteur de l’infamie de Sadida l’assassin de ancêtre. Se redressant, il vérifia que personne ne l’ait vu.
« Il vit donc dans cette forêt, ce traître. Je dois pourtant me résoudre à y entrer » C’est la main tremblante que Mégakouyu pénétra dans la forêt des abraknydes.

La psychologie selon Blacksad.

Mégakouyu avait rejoint Black et Bleu. Tous deux restaient sans bouger, au milieu de la forêt, pour admirer un trou béant d’où sortaient de petits cris d’insectes. Se grattant la tête, Mégakouyu approchait pour comprendre ce qui attirait autant d’attention. Se penchant au dessus du trou Mégakouyu découvrit avec horreur le nid d’arakne qui résidait ici.

"Tu vois mon Kouyu, quand on a peur d’une chose, la meilleur façon de ne plus en avoir peur c’est de l’affronter." Tout en annonçant sa théorie, Black fit un clin d’œil à bleu qui attendait son signal.
"Gniiiiiiiiii !" Sur ce, Bleu lançait un petit coup de pied dans le derrière de Mégakouyu qui n’osa même pas hurler sa terreur.

Je suis mort !

Une grande majorité de Ciccéens avaient rejoint Black et Bleu dans la forêt des abraknydes. Ils chantaient des chansons, festoyaient ensemble, dansaient, Tatane et Alaska jouaient à « je te tiens, tu me tiens par la barbichette, celui qui rira aura un coup de Razielle. », jeu particulièrement Iop admettons le.
Yavanaa regardait au fond du trou de temps en temps pour voir si Mégakouyu se réveillait. En tombant il avait réussi à écraser toutes les araknes qui grouillaient dans ce trou.
Soudain on l’entendit hurler.

« Je suis mort ! Je suis mort ! » D’un seul bon il avait réussi sortir du trou. Il attrapait chaque Ciccéen par les épaules pour plonger son regard terrifié dans celui de ses compagnons.

« Mais non tu n’es pas mort, je sais de quoi je parle. » Dit Deus, en ricanant.

« Non vous ne comprenez pas ! Laissez moi vous raconter ce que j’ai vu. »

Mégakouyu se plaçait au dessus du feu de camp, la lumière des flammes dansaient sur son visage, ses yeux semblaient briller, et ses bras accompagnaient, dans des gestes gracieux, les mots qui sortaient de sa bouche.

« J’ai vu un de mes descendants il se nomme Grokouyu. Mais il ne vit pas dans cette nature là, comment dire il vit ici maintenant, mais en même temps ailleurs et plus tard. Ecoutez………………… »

Grokouyu tel est son nom

Grokouyu tel est son nom. Les origines de ce nom ne seront pas le sujet de ce récit. Pourtant, l’aventure du nourrisson Grokouyu s’échappant de son berceau et retrouvé non loin, dans la forêt, en train d’étrangler un sanglier de ses mains, ferait une belle entrée en matière. Mais il n’en sera rien. Nous naviguerons dans des sphères plus spirituelles, celles où l’énergie et la puissance de la nature montreront leur étendue.
Contrairement à la plupart des Sadidas, Grokouyu ne put se laisser aller à écouter les arbres et courir nu dans les prairies verdoyantes d’Amakna ; car depuis toujours il n ‘avait connu que l’air de la ville. Depuis des générations aucun Kouyu n’était retourné se ressourcer en plongeant dans ses origines les plus profondes, caresser les racines des arbres ou embrasser leur écorce.
Grokouyu passait son temps dans les soirées mondaines d’Astrub à boire, manger et aimer. Cette vie de libertin, il l’appréciait à sa juste valeur jusqu’à ce jour ou le monde entier se renversa.
Une nuit d’ivresse de plus le conduisit près d’un puit dans lequel il put libérer ses entrailles des litres de vin qu’il avait ingurgité. Bien qu’il eut la tête plus proche de l’intérieur de sa culotte que sur ses épaules, il avait remarqué qu’un petit groupe de gredins l’épiait depuis un moment.
« Ce ne sera pas la première fois que je réglerai leur compte à des brigands » pensait-il tout en hurlant son vin à gorge déployée au fond du puit.
Cependant il sentait bien que cette fois-ci la tâche serait beaucoup moins aisée. Ses pensées se concrétisèrent rapidement. Trois brutes tirèrent sa cape avant même que Grokouyu ne put finir sa douloureuse et malodorante entreprise. Agile malgré la bile qui lui sortait du nez, Grokouyu fit tournoyer son magnifique bâton dans les aires. Le pommeau de son bâton vint frapper le premier brigand, puis le second, pour finir sa course dans l’œil du troisième. Le coup fut si violent que le pommeau à tête de sanglier dévora l’œil du brigand, puis une partie de la narine gauche, pour s’arrêter à la suite d’un craquement osseux, un son sourd et désagréable, qui fait frissonner quand on l’entend. La surprise des brigands permit à Grokouyu de frapper à nouveau avec le morceau de bâton qui lui resté. Tout en faisant volte-face son bras prit un élan incroyable en arrière juste au-dessus du puit…oui, vous vous doutez de la suite. Vous ai-je dit qu’à ce moment même Grokouyu sentit comme un puissant relent serrer son ventre, puis envahir sa gorge, ses narines et sa bouche ? Ah, non. Et bien ce malheur s’en suivit d’un second : perte de l’équilibre, vacillement de la jambe gauche, petit coup d’œil jeté par-dessus son épaule, enfin, chute vertigineuse accompagnée d’un hurlement guttural, Grokouyu ne put cligner que trois fois des yeux avant de s’assommer sur une pierre… sûrement au fond du puit.

Mégakouyu esquissait les gestes de la bagarre de son descendant avec les brigands en prenant pour cible les tofus de Yumi qui grimaçait légèrement. Il y mettait tout son coeur, tant et si bien qu'il imita la chute de Grokouyu à la perfection en restant assomé deux bonnes minutes.

Puis retournant prés du feu:

"Mais ce n'est pas tout...................................."

Un réveil douloureux.

Vous vous souvenez de la fameuse chute de notre ami Grokouyu ? Mais si ! Au fond de ce puit, à la suite de cette bagarre avec les brigands. Tout le monde pourrait croire qu’à la suite d’une telle chute aucun être vivant ne saurait encore bouger, ni même espérer vivre. L’eau n’était pas abondante à cette époque de l’année. Les puits étaient à sec ; évènement particulièrement gênant pour Grokouyu qui aurait alors pu voir sa chute bien amortie. Quoique l’idée de sécher et brosser son épais pelage, pour ensuite appliquer longuement sur sa fourrure des crèmes et des os de frisage pendant toute une soirée l’aurait encore plus effrayé. Il détestait parler de ces longues heures passées à s’occuper de son apparence physique. Pourtant on peut dire qu’en la matière Grokouyu était disposé à une certaine névrose. Il fallait que son pelage respecte une courbure particulière, ni trop frisée ni trop raide. Les crèmes et les os de frisage consistaient à appliquer une substance collante sur les poils pour ensuite les enrouler par touffes à l’aide de petits os de tofu. Ce système ingénieux était l’œuvre d‘un Sadida, un grand ami de la famille des Kouyu, un certain Big Oudi. Enfin bref, cette parenthèse inutile nous sert pourtant à expliquer le dégoût de Grokouyu, en se relevant de sa chute, après avoir constaté l’état désastreux de son pelage, imbibé d’une drôle de boue visqueuse.

Une chose intrigua Grokouyu : comment avait-il pu survivre à une telle chute ? Ensuite, combien de temps avait-il passer à dormir la tête appuyée sur ce petit rocher qui ressortait de la boue et du petit filet d’eau se tortillant en direction de ce qui était une grotte ? Les idées se mélangeaient dans son esprit mais il sentait que l’abus d’alcool dont il avait fait preuve s’était estompé. Il en déduit que de nombreuses heures s’étaient écoulées. Puis un petit couinement, ou plutôt une sorte de grincement teinté de sifflement lui permit d’éclaircir la question de sa survie. Derrière lui une espèce de créature sautillait sur place en remuant ce qui semblait être ses bras. Ayant fait abstraction de sa surprise, Grokouyu prit le temps de détailler la créature qui, malgré son étrange aspect, lui rappelait vaguement quelque chose. Simultanément il farfouillait dans sa bourse pour trouver au milieu de ses Kamas une petite graine aux contours rugueux. La réponse lui apparut alors clairement. Cette créature était une de ces poupées auxquels certains Sadidas font appel pour les aider dans leurs tâches. Celle-ci ressemblait à un ballon en toile de sac à patate. Il était difficile de différencier le tronc, la tête, ou les jambes de la créature puisque chaque partie du corps n’était qu’une simple boule de tissus. Ses joues étaient roses, il lui manquait un œil, et des files de cuirs décousus dépassaient de son flanc. Elle ne cessait de sautiller en esquissant un petit mouvement du bras droit. Les souvenirs s’éclaircissaient dans la tête de Grokouyu, cette poupée était responsable de son rétablissement. Les quelques ouvrages qu’il avait pu lire racontaient l’histoire de ces poupées capables de guérir les maux et les blessures. Il avait lui-même une graine dans sa bourse qu’il tenait de sa famille. Il savait que cette graine était importante, elle détenait un pouvoir étrange, elle pouvait faire apparaître une créature semblable à celle-ci. Mais comment ? De toute façon l’instant n’était pas celui de la réflexion lente et posée. Grokouyu se décida à suivre la poupée dans les profondes galeries de ce puit.

Mégakouyu simulait la démarche de la poupée en tirant sur les ailes du tofu de Yumi. De ses bras, il dessinait un arc de cercle sensé représenter la hauteur de la grotte.

"Les galeries étaient profondes trés profondes......"

La nature t’oblige.


Les eaux puissantes de l’automne avaient creusé de grandes galeries. La paroi rocheuse portait les griffures du torrent qui vient parfois vivre ici. La poupée, et ses grincements irritants, continuait son chemin en sautant dans un déhanché maladroit. Grokouyu ne voyait pratiquement plus rien, l’obscurité était oppressante au point d’avoir une impression d’étouffement. Le sol, jusqu’à présent boueux, devint plus doux et délicat. Au loin dans cet énorme tube naturel s’esquissait un virage d’où provenaient quelques flots lumineux. Le retour de la lumière rassura Grokouyu qui découvrit avec étonnement que le sol était recouvert d’un épais gazon qui laissait pointer une foule de pâquerettes. La poupée disparut dans le virage tandis que notre miraculé s’accroupit pour examiner son étrange découverte. Il se remit ensuite en route pour rattraper son retard.

Cela faisait maintenant de nombreuses heures qu’il parcourait un tunnel riche en verdure et éclairé par de solides torches, fixées au mur, dont la flamme n’usait point son support. Trop de choses étaient incohérentes. Grokouyu était un Sadida des villes. Il ne fréquentait que la haute société, les auberges luxueuses, les femmes splendides, et son coiffeur. Trop d’inconnu à la fois commençait à l’effrayer. Pourtant un sentiment de plénitude, voir même de puissance envahissait son cœur. Cette impression atteint son apogée lorsqu’il fit halte au bout du tunnel. Celui-ci s’agrandissait brusquement pour donner naissance à une grande salle arrondie. De petits arbustes se disputaient la place au milieu des herbes hautes. Du plafond, dépassaient des racines larges et fortes. Au centre de la pièce, se tenait un immense tronc d’arbre dont l’écorce sculptée décrivait un trône. Sur ce trône se tenait vaillamment un Sadida. Celui-ci regardait fixement Grokouyu en tortillant sa riche barbe blanche de sa main droite. La poupée vint s’asseoir au pied de ce Sadida qui fit signe à Grokouyu de s’approcher d’un mouvement de la main gauche.

- Ce que l’on raconte est vrai ! Tu es le portrait craché de ton ancêtre, c’est étonnant ! En prononçant ces mots, les yeux du Sadida se plissèrent d’un air malicieux.

- Vous vous méprenez Monsieur, je ne ressemble aucunement à mon Grand père. Celui-ci est plutôt petit et maigrichon alors que…

Le bâton du Sadida frappant le sol interrompit Grokouyu.

- Est-ce que je te parle de ce crétin de Povkouyu ! Non ! Ton grand-père n’est qu’un piètre descendant d’une prestigieuse lignée ! Moi, je te parle de Megakouyu ! Megakouyu le puissant, ou Megakouyu le fier, selon les lieux, ou les batailles beaucoup de qualificatifs accompagnaient son nom. Tandis que ton grand-père n’était bon qu’à commercer et s’enrichir, à s’amuser et rire, à fuir et pleurnicher !

Le Sadida, qui laissait succéder calme et colère dans sa voix, prit trois secondes de réflexion.

- Cependant, il était doué dans une chose ! Sculpter les bâtons. Dommage qu’il n’est pas compris la bonne manière de se servir de son don.

La voix du vieux Sadida s’était adoucie. Grokouyu put alors s’attarder sur l’apparente vieillesse de cette nouvelle connaissance. Se levant à l’aide de son bâton le vieux Sadida reprit son souffle pour parler à nouveau.
- J’ai cru comprendre que toi-même tu comptais laisser dépérir le prestigieux pouvoir qui règne dans le sang des Kouyu !

Le froncement d’un sourcil et la mâchoire serrée du Sadida laissa Grokouyu dans une sorte d’hésitation. Etait-ce réellement une question, ou tout simplement un reproche ? En tout cas aucune réponse ne surgit, le Sadida reprit la parole.

- Crois-tu qu’il est préférable de se laisser aller au plaisir plutôt que de laisser une trace éternelle dans l’avenir de ce monde mon jeune Grokouyu ?

Cette fois-ci la réponse fut rapide.

- Mille fois mon brave Monsieur ! Je ne conseille à personne d’aller risquer sa vie à de grandes aventures, qui plus est dangereuses, alors que l’on peut apprécier la vie dans nos magnifiques cités en profitant du confort et du luxe de la vie moderne…

Grokouyu s’interrompit de lui-même. Il vit un vacillement nerveux provenant de la paupière du Sadida. L’autre œil s’injectait petit à petit de sang, et la main tenant le bâton frémissait au rythme de son discours. De toute évidence, Grokouyu n’avait pas choisi la bonne réponse. Au moment ou ce qui ressemblait à une terrible colère allait éclater, le vieux Sadida serra le point pour le placer devant sa bouche, et tout en s’étirant, il se laissait aller à une série de bâillements.

- Tu as de la chance Gokouyu ! Tu m’as dérangé en pleine sieste ! Sinon j’ignore ce que j’aurai pu faire de ta trogne de vaurien ! En attendant te voilà bien loin du luxe dont tu raffoles ! Ah çà, vous les Kouyu vous avez quitté le royaume de la nature en pensant échapper à son emprise ! Détrompe toi, ton ignorance fait de toi l’outil parfait au service de notre toute puissante nature !

Le Sadida s’approchait de Grokouyu pour parler à voix basse, à proximité de son oreille.

- Vois-tu mon petit Grokouyu, la nature n’en n’est pas fière mais elle a placé de grands espoirs dans ta famille. Ainsi, elle vous a offert de grands pouvoirs. Ce pouvoir, il est en toi. Mais cela fait bien longtemps que tu t’en es écarté. Ce n’est pas pour nous déplaire sois-en sûr. Mieux vaut un grand pouvoir dans les mains d’un innocent plutôt que dans celles d’un ambitieux. Cependant voilà. Un projet se dessine ! Il va te falloir écouter les arbres, observer les danses des fleurs pour comprendre ta mission. Avant tout sache que la nature ne prend aucun parti ! Sa neutralité est sans égale ! Enfin bref, tu as quelques jours pour renouer avec tes origines. Ne te demande pas si tu as le choix ! La nature ne t’en offre aucun. Devient son instrument, c’est un conseil !


Le Sadida remontait sur son trône en attrapant une couverture de feuilles rousses. Il s’assit de travers tout en recroquevillant ses jambes sur son torse. Une de ses paupières commençait à se fermer.

- Oh, oui, c’est par là, derrière toi. Durant ton voyage de retour je te rendrai quelques visites… peut-être… et fait bien attention aux abraknydes ! Dans la région ils sont hargneux.

La voix du Sadida s’éteint brusquement. Grokouyu regardait la direction qu’on venait de lui indiquer, lorsqu’il prit conscience que le Sadida avait disparu pour laisser place à un arbre sur le trône. Sans attendre son reste Grokouyu s’approchait d’un trou béant au-dessus de la salle qui menait à l’air libre. Pensant ne pas pouvoir l’atteindre il préparait un profond soupir quand soudain deux racines surgirent du trou pour former une échelle. Agrippant celle-ci Grokouyu put enfin prendre une grande bouffée d’air frais.

Kouyu sarrétait enfin. Il avait le poil tout humide d'émotion. Il s'assit sur un tronc d'arbre abattu. Il regardait avec insistence les flammes.

"Puis là je me suis réveillé. Enfin je croyais m'être réveillé........"

Révélations.

Dans l’obscurité de mon trou je pouvais seulement sentir l’odeur du sang des araknes. Je sentais également leur sang gluant qui s’attaquait à la douceur de mon poil. Au dehors, j’appelai à trois reprises Black en insistant sur le fait que la blague était certainement drôle, mais qu’elle commençait à traîner maintenant. Faisant face à d’inexistantes réponses, je me décidais à remonter seul de mon trou. En plus j’entendais comme des bruits de combat, je me suis dit que Black était sûrement occupé avec quelques bestioles.

Sortant du trou je vis un Sadida en train de tenter quelques vulgaires coups de marteau sur les Abraknydes qui l’attaquaient. Pendant cinq minutes je le regardais faire, puis m’apercevant qu’il commençait à se mettre dans une mauvaise posture je décidais d’intervenir. Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour réduire en brindilles ces maudits abraknydes.
Le sadida avait l’air plutôt satisfait que je vienne l’aider. Il portait un de ces sacs à patate magique sur la tête. Lorsqu’il retira son sac de sa tête pour me remercier et me saluer, nous eûmes le même geste de recule.

« Nom d’un BarouM ! » Dis-je en même temps que mon complice.

Il me ressemblait à a touffe de poil prés. C’était impressionnant. Etrangement, le premier réflexe qu’il eut c’est de s’agenouiller. Et encore plus étrange, j’en éprouvais une certaine satisfaction. Enfin bref.

« BarouM à toi Megakouyu mon honorable ancêtre. Je suis fier que tu me fasses l’honneur d’apparaître. » Me dit-il avec un regard de vénération.

« L’honneur ? Il n’y pas plus d’honneur que de crotte de Trool dans mon apparition. Qu’est-ce que je fiche ici moi ! » Je regardais autour de moi comme si la réponse allait apparaître sous mes yeux.

« Je suis Grokouyu, ton descendant. Si tu es là c’est à cause de la prophétie. » Il se relevait voyant que finalement m’honorer à ce point était un peu exagéré.

« Prophétie mes fesses oui ! Je roupille encore tu veux dire. Tu sais j’apprécie les siestes, alors s’il faut qu’on me gâche ça avec des espèce de cauchemar à la mords moi la touffe merci ! » Je commençais à m’énerver, c’est vrai quoi ma sieste….

« Tu ne rêves pas vénérable ancêtre tu es dans mon monde. J’ai le pouvoir de te faire apparaître même si je n’en choisi pas vraiment le moment. En réalité tu es mort… » Il s’arrêtait un instant pour m’aider à m’asseoir, voyant que mes sourcils scintillaient légèrement. « … mais tu n’es pas vraiment mort. Voilà en fait l’histoire. Nous autre nous vivons dans le terrain de jeu des Dieux. Ils se jouent de nous. Mais surtout ils jouent avec nous. Ils ont un plan, une sorte de destinée pour nous. Ils s’amusent à voir comment nous nous débrouillons pour aller dans le sens qu’ils veulent. GrynePyce notre ancêtre commun l’avait bien compris. C’est pour ça qu’il a utilisé son pouvoir sur notre lignée pour que Sadida ce dieu déchu ne puisse utiliser son pouvoir sur nous. Hélas tu as été vaincu par le Chêne Mou ce vieux tronc moisi. Mais heureusement d’autres puissances ont participées au plan de GrynPyce. Son frère Ecko Lau n’aimait pas Sadida pour diverses raisons. Il a donc offert des pouvoirs à sa propre lignée aussi. Ton cousin Burnepoilu en fait parti. Mais il n’est pas le seul. Et surtout il ne porte en lui que la graine de tristesse. Or il faut la graine d’émotion pour obtenir je ne sais quel puissant pouvoir… »

J’écoutais ses paroles sans toutes les comprendre. Mais petit à petit finalement je commençais à deviner chaque mot qu’il allait prononcer.

« … Je vis dans un autre espace temps. Un autre frère de GrynPyce, Ressy Klable le sage a coupé le monde en différents plans qu’on appelle ZaiveuR. Les dieux voulurent l’en empêcher mais ils apprécièrent avoir plusieurs terrains de jeu finalement. Je ne sais pas exactement comment il les créa, toujours est-il que tu es dans le monde Djaul, et que tu viens de celui de Jiva. Lorsque l’un des Kouyu meurt, un autre plus puissant apparaît sur un de ces mondes, c’est la malédiction lancée par GrynePyce à Sadida. Désormais nous pouvons communiquer et donc nous sommes trop nombreux pour qu’il puisse lutter… Heu… tu commence à briller c’est normal ? »

Il avait raison je commençais briller. D’ailleurs, à ce propos on ne sent rien quand on brille, ça ne fait même pas mal. Petit à petit je commençais à disparaître je savais que je rentrai chez moi. Il ne put finir ce qu’il disait, mais j’en avais assez appris comme ça. Il me lança une fleur j’ignorai pourquoi ou presque.

"Voilà et je me suis réveillé."

En se levant Kouyu sortit la fameuse fleur de son sac. Il passait devant chaque Ciccéen, et petit à petit on put entendre une légère musique jouée par la fleur elle même. Kouyu s'arréta soudain, un sourir déméla son épaisse barbe.

"Comment n'y ai-je pas pensé!"

Il s'approchait de Yavanaa pour lui tendre la fleur. Sans savoir pourquoi et machinalement elle l'a prit. Une lumière intense éclata à son contact. La fleur l'avait reconnue.

S'agenouillant devant Yavanaa.

"BarouM à toi Yavanaa, Fille d'Ecko Lau!"

* prend la fleur et adresse un grand sourire à Kouyu... qui laisse place aussitôt à la perplexité en entendant les paroles de Kouyu*

Merci Kouyu... mais pourquoi dis tu que je suis la fille de quelqu'un?
Ma maman est Déluria... mais mon papa, j'en ai pas, je l'ai jamais connu et jamais su qui il était... Même maman ne le sait pas. Enfin c'est ce qu'elle a dit.

* prend un air renfrogné en se demandant si sa maman lui aurait caché des choses*

Le cœur de Kouyu.


Megakouyu s’était entêté à ne pas révéler quoi que ce soit à Yavanaa plaidant à chaque fois qu’elle le découvrirait bien assez tôt.
Il grignotait tranquillement une larve croque au sel dans le port. Assis sur le bord du quai, il laissait balancer ses jambes au dessus de l’eau, effleurant de temps en temps les vagues avec le bout de son gros orteil. Il était rare de voir Kouyu avec un air aussi triste dans le regard, aussi Yavanaa l’aperçut, et sans attendre elle le rejoint.

« BarouM Kouyu ! Tu fais quoi là tout seul ? »

« Yavanaa, BarouM ! Bon je te le redis, tu connaîtras tes origines lorsque le vieil arbre sera décidé à te parler ! »

« Oh ! Mais je ne venais pas te voir pour ça. Je suis juste étonnée de ne pas te voir en train de gratouiller ton abraguitare. Tu es seul dans un étrange silence, et je m’inquiète. »

« N’ais crainte ! Les Kouyu ne craignent pas le silence ! Il est peu de chose que les Kouyu craignent. Oui trop peu de chose…. »

Des yeux de Kouyu sortirent à cet instant des parfums de mélancolie, de tristesse, et de joie mélangées. Il fixait l’eau avec attention comme s’il y voyait défiler des images, et s’il entendait des bruits.

« Si tu veux bien Kouyu, j’ai une question qui me turlupine depuis un moment. »

S’évadant de ses rêveries Kouyu se redressa.
« Oui que veux-tu savoir ma belle ? »

« Et bien vois-tu beaucoup des Ciccéens sont mariés, ou presque et… comment dire, je ne doute pas que tu sois un bourreau des cœurs… et justement beaucoup de sadidettes rêvent de toi le soir… enfin je crois… et je trouvais étrange que tu ne sois pas marié… »
Timidement Yavanaa tentait de lire dans le regard de Kouyu. Elle ne put y découvrir grand-chose, car ni ses yeux, ni aucune de ses attitudes ne laissaient échapper un signe ou un sentiment quelconque. Puis soudain son visage reprit vie, et Kouyu sourit.

« Te voilà bien curieuse ma belle. Vous les sadidettes aimaient entendre les histoires de cœur et les aventures amoureuses, et je ne vois pas pourquoi je t’en priverai après tout. Mais attention certains contes ne sont pas fait pour les enfants, ou pour réjouir les plus âgés. Ta question ne manque pas d’intuition ma belle. Je vais t’expliquer tout cela… cependant j’espère ne pas laisser tes yeux verser des eaux de tristesse… voilà, cela fait longtemps maintenant, mais je m’en souviens aussi bien que ma journée d’hier………………….. »

Le cœur de Kouyu (suite)


« A cette époque je n’étais qu’un jeune Sadida mais je portais déjà un Zzzlip rouge. Il m’arrivait souvent de me promener dans les forêts pour rencontrer de nombreuses créatures sans même me faire attaquer. A cette époque je ne m’étais pas décider à combattre, et encore moins à tuer. Il y avait surtout un abraknyde avec lequel je discutais souvent, il se nommait Abracadabra, et nous passions de longues heures à bavarder de tout et surtout de rien. Oui, je crois que c’est là que tout a commencé. Mais je pense que la meilleure façon de te faire comprendre tout ça, c’est que tu le vives. »

Megakouyu se frappa trois fois le torse d’une violente façon, comme s’il s’étouffait. Il toussait, le visage crispé, dans un son rocailleux et irritant. Puis s’arrêtant enfin, il pinça sa narine droite, pour souffler soudainement de sa narine gauche. Il avait très justement placé son autre main en dessous de cette narine, et celle-ci reçut un présent quelque peu gluant. L’essuyant soigneusement il put ensuite montrer la graine magique qu’il venait d’extraire de son corps. Après un air étonné, un sourire d’excitation envahit le magnifique visage de Yavanaa.

« C’est ce que j’appelle une graine de souvenir. Comme tu as pu le voir il est difficile de l’extraire. Ceux sont ces graines là qui s’accrochent encore à la terre lorsque notre esprit quitte notre corps. Dés cet instant, notre corps et les souvenirs que nous avons fabriqués se figent dans le sol, et se mélangent une fois pour toute avec la nature. Tu verras que cette graine a de l’importance, s’il s’agit d’un bonheur pour la nature elle existe aussi comme un de mes malheurs. Pourtant elle va nous être utile pour qu’on ne loupe rien de l’histoire qui va suivre ».

Instinctivement, Yavanaa prit un peu de terre pour la tendre à Kouyu. Son geste fut accueilli d’un sourire chaleureux, Kouyu prit alors la terre dans sa main droite pour y planter la graine. Quelques secondes suffirent à laisser éclore une plante aux feuilles fines et longues. Elle ne mesurait qu’une vingtaine de centimètres, mais sa tige était verte et très épaisse. Il sembla même que la plante respirait au rythme du cœur de Kouyu. Ses feuilles s’élevaient puis redescendaient, et sa tige se gonflait et se dégonflait sur la même mesure que la respiration de Kouyu. Puis une large fleur mauve s’ouvrit à son sommet. Cette fleur, aux contours irréguliers et aux pétales désordonnés, regardait ce qui l’entourait. Elle se tourna alors vers Kouyu et Yavanaa, fit trembler ses pétales, et propulsa son pollen qui vint chatouiller leurs nasaux. Ces derniers s’endormirent calmement, la douce voix de la fleur chantonna alors une berceuse :

« Dormez mes enfants, dormez
Laissez moi vous contez mes chers enfants
La triste histoire, les tristes souvenirs
De Kouyu et Klorophyle………… »

Le cœur de Kouyu (suite…)


Cette sensation était étrange. Megakouyu et Yavanaa se sentaient flotter dans les airs. La brise les emportait où elle le souhaitait, ils effleuraient les feuilles des arbres qui frissonnaient à leur contact, les nuages fuyaient à leur approche. Ils faisaient, désormais, partis de la nature, loin de la portée de l’espace et du temps ils naviguaient, invisibles et immatériels, sur les terres d’Amakna.

Il leur fut donné d’apprécier le voyage jusqu’à l’approche d’une clairière au milieu d’une épaisse forêt. Sur une souche d’arbre vieillie par la mousse qui l’avait envahi, se tenait un Sadida lancé dans une ample discussion avec un Abraknyde.

« Par tous les BarouM de la forêt ! Tu es mon ami, Abracadabra, tu le sais, mais je pense que tu fais erreur. Je ne pense pas, non, pourquoi les tofus seraient là avant leurs œufs, c’est stupide ! »

« Et bien pour pondre des Œufs mon Kouyu ! C’est évident ! Comment veux-tu qu’il naisse d’autres tofus sinon ! » La voix de l’abraknyde était douce et profonde. A chaque fin de phrase, ses feuilles frissonnaient comme pour marquer la concentration nécessaire pour prononcer la phrase suivante.

« Non mais là je suis d’accord avec toi. Mais tu te trompes de problème, si les gens disent ça, c’est une expression…. Hum… comment t’expliquer ça, le problème n’est pas de savoir vraiment qui du tofu ou de l’œuf était là en premier, on s’en contrefiche… » Megakouyu s’était levé. On pouvait voir à présent le Zzzlip rouge qu’il portait dans sa jeunesse. On le sentait plus vigoureux et plus calme à la fois. Sa barbe était plus courte, de chaque coin de sa bouche partaient deux tresses fines et droites. Au bout de chacune s’accrochait une fleur, jaune et blanche, dont la tige s’entortillait autour des tresses. Le reste de sa barbe était décoré de nombreux rubans de couleur ; quant à son épaisse crinière rouge sang, elle était ramassée sur un chignon fixé par trois anneaux de cuivre. Ses épaules étaient jeunes mais imposantes. Du creux de ses omoplates s’égarait un épais pelage vert, court et soyeux, formant une série de tourbillon, dont l’œil ne pouvait suivre longtemps le chemin. Son torse était tout aussi bien garni que son dos. Chacun de ses tétons portait un bijou fixé à l’aide d’une pointe. Celui de gauche était un simple anneau d’argent serrant une courte chaîne au bout de laquelle pendouillait une minuscule émeraude. Celui de droite était percé de part en part d’un os verni qui scintillait au soleil. Son nombril était encerclé d’anneaux en or, chacun relié à une chaîne d’argent. Il plaçait ses mains face à l’abraknyde pour ajouter des gestes à ses paroles.
« … en vérité lorsqu’on dit ça nous autres c’est pour dire qu’on ne peut savoir le fin mot de l’histoire, ou ne trouver aucune solution au problème, c’est une façon de parler vois-tu. »

« Et bien moi, je te le dis c’est le tofu qui est là en premier. Vous avez plus qu’à changer votre façon de parler parce que ça ne marche pas. J’étais là à l’apparition des tofus. Je sais de quoi je parle » Abracadabra était un abraknyde plus petit que ses confrères. Pourtant sa puissance impressionnait tout le monde, car il savait très bien manier son pouvoir. Deux bourgeons lui poussaient au-dessus des yeux pour rappeler son appartenance à la race des arbres. Plusieurs araknes s’amusaient à grimper sur son dos puis à en descendre aussitôt. Quand il se déplaçait, il traînait un air lourdaud, se balançant de chaque côté comme s’il allait chuter à chaque pas. Il portait aussi une grosse branche en plein milieu de son dos. Elle était beaucoup plus grosse que ses bras d’écorce, et se scindait en trois parties à son extrémité. Ces trois branches avaient permis à un nid de se construire. Ainsi Abracadabra était le seul abraknyde à protéger un nid de Luzioniste, volatile désormais disparu en Amakna.

Megakouyu le regardait avec désespoir comprenant qu’il ne pourrait faire comprendre son point de vue à son ami. De plus l’heure de son départ approchait. Il devait revenir le lendemain, matin à la première heure, pour accompagner Abracadabra prés de la grande rivière.

« Bon Abracadabra mon ami, BarouM nuit à toi… » Kouyu d’éloignait marmonnant quelques mots étouffés dans sa barbe « … un tofu… des œufs…pffff ».

Le cœur de Kouyu (suite…)


Le chemin de la rivière n’était en aucun cas dangereux. Il l’était d’autant moins lorsque l’on était accompagné par Abracadabra. Megakouyu et Abracadabra marchaient d’un pas lourd et décontracté. Kouyu chantonné quelques poèmes de sa tribu, tandis qu’Abraca marquait le rythme du chant par des cliquetis de langue. Puis, les premières douceurs de la rivière furent portées par une légère brise. On pouvait entendre le tumulte délicat des eaux qui s’amusent en compagnie des galets. Sans hésiter Kouyu et Abraca trempèrent pieds et racines dans l’eau claire, tandis que les Luzionistes s’abreuver en virevoltant au dessus de l’eau.
L’instant était appréciable et Kouyu savait en profiter. Cependant la brise, si fraîche l’instant d’avant, fut imprégnée d’une odeur méphitique et âpre. Levant les yeux sur l’horizon, Kouyu aperçut une épaisse fumée qui tâchait le bleu intense du ciel.

« Quelle est l’origine de cette étrange fumée Abraca ? » Dit-il en en se grattant vulgairement l’arrière train.

« Rien d’important pour toi mon jeune ami. » Abraca tournait le dos à l’horizon et n’osait se retourner ni humer trop longtemps l’air perverti par cette affreuse odeur.

« Ne soit pas si mystérieux Abraca, tu sais tout ce qui se passe dans les environs. Ne me dit pas que tu ignores une telle fumée. Et cette odeur, même les oiseaux semblent la fuir ! » Kouyu chatouillait l’écorce d’Abraca en l’éclaboussant.

« C’est la guerre mon Kouyu, la guerre. Une invention que tu ignores, et que tu dois continuer d’ignorer. » Abraca s’était enfin retourné pour observer la fumée. Une expression de tristesse prit ses yeux comme victime, et Kouyu en devina l’importance.

« C’est donc cela que tu crains. On m’a parlé des ravages de la guerre. Mais je n’ai jamais compris s’il s’agissait d’une seule personne, d’une machine ou d’une étrange créature. C’est un démon n’est-ce pas ? » Kouyu s‘était assis sur un rocher qui pointait hors des eaux.

« Oui le pire démon que l’on puisse croiser. Le temps approche… oui, il approche. Je sais à quoi tu penses et je ne te retiendrais pas. Je n’en ai pas le droit même si j’en ai le pouvoir. Je pourrai rentrer seul dans la forêt ne t’inquiète pas. Adieux mon Kouyu ! » Abraca s’éloignait de la rivière en compagnie des Luzionistes qui s’étaient réfugiés dans leur nid.

« Ah, ce Abraca ! Toujours à dramatiser et exagérer tout ce qui se passe. » Les mains posées sur ses hanches, Kouyu regardait Abraca s’éloigner. Puis il se retourna soudainement pour observer à nouveau cette fumée d’un œil curieux.

« La guerre… ce mot est même désagréable dans sa prononciation, il me fait mal au fond de la gorge. Allons voir cela de plus prés. BarouM ! » D’un pas vaillant Kouyu prit la route de l’est, toute droite tracée, en direction des noires fumées de l’horizon.

Le cœur de Kouyu (suite…)


Traversant plaines et collines, Kouyu arriva en peu de temps au dessus d’une grande plaine très étendue vers l’est. Sur la butte qu’il foulait, se tenait un arbre mort, les branches couchées au sol, le tronc envahi de mousse. Il prit un instant pour s’appuyer sur l’arbre mort, puis il s’assit doucement dessus en estimant sa taille à tâtons. On eut cru qu’il devenait aveugle, il fixait la plaine avec horreur, ses mains tremblaient en griffant l’arbre mort. A moitié assis, son esprit désirait fuir cet odieux spectacle, mais son corps terrifié l’en empêchait. Il se frottait la barbe nerveusement, et ses yeux ne purent retenir les nombreuses larmes qui déchiraient son regard.

A quelque pas de Kouyu se tenait un corps. Nul n’aurait pu affirmer avec certitude quelle était la nature de cet être avant de mourir, tant son corps était dégradé. Il ne s’agissait peut-être que d’un animal qui s’était décider à finir sa vie allongé dans cette plaine. Sa carcasse était fumante, des lambeaux de peau se bataillaient une issus de secours au dessus de la chaire brûlée. On pouvait encore voir la mâchoire de la victime très largement ouverte. Mais dépourvue lèvre, et les yeux sans paupières donnaient au corps une expression de terreur. En essayant de tenir son regard, on pouvait sentir la souffrance endurée par la victime. Il ne s’agissait pas d’un animal. Non ce ne pouvait être possible. Ou alors des milliers d’animaux avaient eu la même idée que le premier. Car la plaine était envahie de corps fumants et défigurés. De nombreuses épées, des arcs, des couteaux, et des marteaux se tenaient encore fièrement dans la main de leur propriétaire. De profondes crevasses avaient détruit la douce pente de la plaine. Certains rochers avaient changé de place ou s’étaient retournés. Le peu d’arbre et de fleur, qui avaient survécus aux ravages de la bataille, sentaient les restes de flamme s’approcher d’eux.

Sans savoir pourquoi Kouyu sécha ses larmes puis enjamba les premières victimes. Son cœur était envahi de colère et de haine. En vérité, lui-même ignorait le sentiment qui avait pris son esprit, lui qui n’avait connu que plaisir et bonheur. Il poussait et retournait certaines victimes mémorisant, à son insu, leur visage. Il marchait depuis de longues heures au milieu de ce charnier lorsqu’il put entendre un bruit. Accourant à grandes enjambées, il put voir un bras remuer sous un tas de cadavres plus noir qu’un bout de charbon.
Un survivant ! Quelqu’un avait survécu au massacre. Il s’agissait d’un Iop. Une sorte de crête rouge sortait de son crâne. Il portait une lourde armure et une large épée. Il semblait avoir perdu une partie de son esprit. Il cherchait dans le vague un point de repère comme pour mettre les deux ou trois idées, qu’un Iop est capable d’avoir, dans l’ordre. Puis apercevant Kouyu qui l’attrapait par le bras pour le soutenir, il sourit. Puis il pointa un doigt tremblant en direction du sud. Voyant qu’une profonde blessure, sur son front, vomissait encore du sang, Kouyu prit la direction indiquée en supposant qu’il y aurait, à l’arrivée, un endroit calme pour panser les blessures du Iop.

Ils n’avaient fait que quelque pas, lorsque soudain une voix claire et autoritaire leur ordonna de s’arrêter, une voix féminine, accompagnée d’un bruit de char.

Le cœur de Kouyu (suite……)


Se retournant Megakouyu fut si surpris qu’il ne put maintenir le Iop, qui s’écrasa aussitôt à terre.
Devant lui, sur un char tiré par deux énormes chefs de guerre Bouftou, se tenait une Sadidette plus belle que l’aurore. A ses côtés ricanaient deux Sram, emmitouflés dans une large cape laissant juste sortir une dague avec laquelle ils jouaient à s’assurer que les victimes étaient bien mortes.

Kouyu ne sut que penser. Il était clair que cette sadidette était responsable d’une partie de ce massacre mais comment cela était possible. Il la regardait fièrement pour cacher son angoisse.
Elle était grande et minces. Ses yeux verts envoyaient des éclaires pouvant abattre le plus solide des arbres. Ses sourcils étaient très finement dessinés pour accroître la taille des yeux de la belle. Ses joues rondes étaient la seule marque de fragilité qu’osait offrir sa stature. Son menton était discret mais pointu, il était percé de part en part d’une pointe d’argent surmontée d’une perle. Ses cheveux ne reposaient pas sur ses épaules athlétiques. Ils remontaient très élégamment dans la nuque, et se rassemblaient au sommet de sa tête sous la forme d’un chignon, tenu par deux barrettes en cristal. Ils étaient à la fois roux, bruns et blonds, on n’aurait pu définir une couleur dominante. Cependant une légère mèche de cheveux grise osait s’échapper de la griffe de son chignon pour s’entortiller au dessus de son œil gauche. Alors qu’elle descendait de son char, Kouyu pu observer l’exquis dessin de son corps. Sa peau se voyait douce et brune. Son dos, et puis ses hanches suivaient la courbe d’un ruisseau en fuite. Ses jambes, charnues sans excès, étaient si belles qu’aucune herbe haute n’aurait osée la frôler. Elle portait pour simple vêtement qu’un léger tissu sur sa poitrine, ronde et ferme, et un linge assez fin pour cacher ses fesses, une partie de ses hanches, et ses attributs féminins.

Les deux Sram s’approchèrent alors de Kouyu qui soulevait un sourcil suspect.

« Agenouilles-toi devant Klorophyle la grande si tu veux vivre misérable tas de poil ! » Sur ces mots le premier Sram frappa Kouyu aux jarrets pour le faire chuter. Mais on ne peut faire s’agenouiller Megakouyu aussi facilement. Le seul mouvement que fit Kouyu, fut l’élévation de son second sourcil, puis, regardant le Sram avec mépris il l’empoigna par le col, le souleva, et fit sortir de son bras une énorme ronce qui déchira la cape du misérable Sram et se resserra comme un serpent sur sa proie. Le second Sram recula d’hésitation.

« Vous voulez récupérer le Iop ? Il est à moi ! Prenez-le… mais avant, tentez de me briser pour voir ! » Une étrange folie s’était emparée du visage de Kouyu qui ne quittait pas le Sram du regard. Seul un rire maléfique vint le déstabiliser.

« Te voilà bien courageux habitant des bois ! Tu donnerais ta vie pour ce misérable sans cervelle ! Allez tuez le moi il m’agace ! » Aucune once de sentiment ne sortait de la voix de Klorophyle, elle leva son bâton avec lassitude pour ordonner la mort de Kouyu.

« Vous n’en ferez rien maudite Klorophyle, foi d’Abracadabra, vous n’en ferez rien ! » Abraca avait surgi du haut d’une colline, sa voix caverneuse faisait fuir les fumées du champ de bataille, tel l’écho du tonnerre, il créa un long silence après sa parole.

« Tiens le tas de brindille ! Je te le laisse si c’est ce que tu souhaites… » En prononçant cette nouvelle sentence Klorophyle regardait les milliers d’araknes qui avaient fait leur apparition. « … gardes ton Iop ! Mais nous nous reverrons et dans d’autres circonstances, crois-moi ! » Son char recula, avec les deux Sram à sa suite, pour disparaître dans les colline.

« Merci Abraca… mais qui était-ce ? » Kouyu reprit le Iop sur ses épaules.

« Klorophyle la maudite, deuxième des sadidettes, une œuvre de Sadida lui-même mais pervertie par le mal de Sram. Vient nous avons à parler, les choses s’accélèrent et je n’ai que trop peu de temps. »

Ils reprirent ensemble le chemin de la rivière où ils purent commencer la conversation qui changerait, peut-être, le destin de Klorophyle la maudite.

Le cœur de Kouyu (suite………….)


Arrivés prés de la rivière, Kouyu, Abraca, et le Iop, rescapé de la boucherie de la guerre, purent se reposer. L’eau scintillait joyeusement dans son lit, on pouvait voir à sa surface de petits insectes narguer les poissons dissimulés sous de petits rochers.
Le Iop ne s’était pas réveillé. Abraca appliquait sa magie sur ce dernier, une puissante magie qu’il avait, selon la légende, enseigné aux Eniripsa. Encore comateux mais conscient le Iop put se redresser et s’installer confortablement contre les rochers mousseux qui lui servaient d’appui. Kouyu observait Abraca du coin de l’œil. Il le connaissait bien. Pourtant, ce fut la première fois qu’il le vit si inquiet et si triste. Il n’en n’était pas sûr mais il le sentait même épuisé, son écorce était desséchée, aucun bourgeon ne pointait au bout de son nez, et ses feuilles s’imprégnaient d’un étrange roux.

« Abraca… qui était-ce ? Voyons vas-tu te décider à parler ! » Après un profond soupir, Abraca déposa on lourd arrière train dans l’eau douce de la rivière et dans une grande inspiration il commença son récit.

« Klorophyle la maudite…. Mon cœur se brise à te raconter son histoire. Trop de souvenir désagréable et la supposition d’un avenir dangereux pour toi mon ami. Tu te souviens de l’histoire de la rose chantante qui devint sadidette ? Et bien Klorophyle est sa sœur. Sadida ne pouvait accepter que de simples mortelles puissent créer une créature aussi magnifique. Il se mit alors au défi de créer une sadidette encore et toujours plus belle. Il travailla longtemps. Sans dormir. Nuit et jour, il mélangeait des fleurs, et des graines, des parfums, et des lumières. N’aboutissant qu’à des échecs cuisants, il osa demander de l’aide à ses frères et sœurs, dieux et déesses. Aucun ne voulut l’aider, trouvant sa quête soit inintéressante, soit trop ambitieuse. Seul Sram le vil accepta de l’aider. Mais comme tu t’en doutes, ce ne fut pas sans arrière pensé. Sram convoqua ses meilleurs forgerons et bijoutiers et leur ordonna de créer une graine de souvenir, indispensable aux sadidas, dans un cristal le plus pure qu’il soit. La graine ainsi forgée fut mélangée au cœur de Sadida en personne, qui en fit don lors de la création de Klorophyle. Et dans un extraordinaire fracas, dans une tempête démesurée, Klorophyme apparut. Cependant, elle possédait le cœur d’un Dieu, qui certes, lui offrit l’éternelle jeunesse, mais qui était prêt, à tout instant, à faire ressortir l’orgueil qui caractérise les Dieux. Sram le savait. Et il connaissait le moyen d’éveiller cet orgueil. A l’aide de sa dague maléfique, il la pervertit d’une blessure éternelle au creux des reins. Dés cet instant Klorophyle sœur de Biologyk devint Klorophyle la maudite. Des envies de gouverner tous peuples, et de détruire toute pureté envahit son cœur. Depuis ce jour elle fait régner la terreur sur les terres d’Amakna. Sa guerre avance, et Sram le vil est derrière elle. Elle est aux portes de ma forêt désormais. Je crains de devoir fuir avec tout ce que je peux sauver de vivant. »

Kouyu écoutait ébahi, en compagnie du Iop qui tentait de suivre la conversation avec difficulté.
« Mais comment puis-je la revoir ? »

« La revoir Kouyu ? Tu ne m’as pas écouter je crois… » le regard d’Abraca s’arréta quelques secondes sur Kouyu qui regardait le fond de l’eau avec insistance comme pour percer la roche de ses yeux. « … hum… tu ne connais pas tout de mes pouvoirs Kouyu. Je sens la croissance d’une nouvelle fleur. Une fleur puissante et fragile à la fois. C’est celle qui envahit ton ventre à cet instant. Mêlée de tendresse et de désir, elle consume ton cœur et ton esprit. Elle te rend aveugle mais décuple tes forces. Il est dangereux d’aimer Klorophyle la maudite mon Kouyu, car elle, n’aime rien ni personne, si ce n’est le pouvoir. »

Kouyu quitta alors les rêveries qui flottaient dans sa tête pour s’exclamer vaillamment : « Mais n’y a-t-il pas un moyen de la sauver ? De la guérir de ce maléfice ? Ce qui est fait peut être défait ! Abraca aide moi, je suis sûr de pouvoir faire quelque chose. »

Abraca hésitait. Il ne pouvait laisser Kouyu, son ami, son frère, braver de tels dangers. Cependant il résidait dans le regard de Kouyu une flamme que seul lui pouvait déchiffrer. Puis il vit une ombre, une malédiction, mais l’espoir, une étoile discrète qui perçait cette ombre.

« Soit, mon Kouyu ! La plaie de Klorophyle est toujours ouverte. Elle suinte du mal et de la haine de Sram. En la refermant tu pourras la sauver et briser son infortune à jamais ! Voici le seul remède. Attention ce flacon est rare, des générations et des générations d’Eniripsa sont mortes dans sa conception. Appliques ça sur sa plaie et le maléfice disparaîtra aussi vite qu’il est venu. » Il tendait le flacon à Kouyu du bout des ses doigts rugueux.

Les adieux avec Abracadabra furent chargés de chagrin, mais Abraca savait qu’il reverrait son ami avant la fin, et il pensait à cette étoile, cette lueur d’espoir qui ne quittait pas le regard de Kouyu. Il le regarda partir en compagnie du Iop qui clopinait à ses côtés. Kouyu était brave mais partir en guerre était peut-être la plus grande erreur de sa vie.

Le cœur de Kouyu (suite…….)


Depuis trois longues années Kouyu menait une guerre effroyable contre Klorophyle dont la cruauté ne faisait que grandir.
Toujours accompagné de son compagnon Iop, ils venaient de mettre en échec une attaque dirigée par Olyouchouingom le bras droit de Klorophyle, un sram vicieux et traître qui passait son temps à tuer ses adversaires dans le dos.
Tous deux assis sur le champs de la victoire ils sirotaient une choppe de bière, et comptaient bien finir le tonneau.

« Quel beau combat ! N’est-ce pas Kouyu ? »

« Oui, impressionnant, mais beau je ne sais pas… au fait Iop t‘as un nom ? Tout le monde t’appelle le Iop mais je suppose que tes parents t’ont trouvés un nom quand même. »

« Oui bien sûr que j’ai un nom. Je me nomme Ioplaboume. Mais je préfère qu’on m’appelle le Iop, c’est un peu moins ridicule à mon goût. »

« Je te comprend le Iop, je te comprend. Dis-moi, pourquoi tu te bats ? Moi c’est pour Klorophyle mais toi ? Tu viens d’une contrées bien éloignée de cette guerre il me semble ? »

« Oui c’est vrai. Mais en vérité je ne sais plus où. Voilà il n’y a pas si longtemps je suis sorti acheter du pain puis je me suis perdu. Depuis je cherche ma maison. Ma femme m’attend là-bas, je vais me prendre une rouste quand je vais rentrer, j’ai mangé tout le pain. »

Kouyu était sidéré. La stupidité des Iop était légendaire mais celle de ce Iop là battait les records.

« Ca ne répond pas à ma question le Iop. Pourquoi tu te bats ? Tu n’as pas besoin de te battre pour rentrer chez toi. Les autres soldats se battent pour leur terre, pour leur famille qui est en danger face à la tyrannie de Klorophyle, par exemple tu vois ? »

Ioplaboume écoutait Kouyu tout en jonglant avec sa lourde épée.

« Ah ben oui, c’est ce que je te dis, je cherche ma maison, et je crois que c’est par là. » Il désignait le territoire de Klorophyle du doigt en oubliant qu’il venait de projeter son épée dans les airs. Habitué à ce genre de maladresse Kouyu s’écarta pour laisser l’épée se planter dans le sol.

« Attends ? T’essaies de me dire que tu te bats parce que l’armée adverse est sur ta route ? »

« Ben oui, à chaque fois que j’essaie de passer ils me barrent le chemin ! D’ailleurs je ne les trouve pas très sympathique ces gens là ! Tu sais qu’on devrait monter une armée, je ne suis pas sûr que leurs pratiques soient très justes ! »

Kouyu n’osait répondre. Il repensait à toutes ces fois où il avait laissé ce Iop couvrir ses arrières, et à toutes les autres marques de confiance qu’il lui avait cédé. Soudain, il s’angoissait, imaginant toutes les horreurs qu’il aurait pu subir. Evacuant toutes ces pensées morbides de son esprit, il reprit la parole.

« Mais Ioplaboume… comment dire… pourquoi tu ne contournes pas le territoire de Klorophyle pour passer. Tu éviterais l’armée sans ennui….. »

Ioplaboume se mit à grimacer. Le coin de sa bouche se mit à trembler, puis, à l’aide de son pouce et de son index, il se pinça le milieu du crâne en plissant les yeux.

« Je comprends pas Kouyu, pourquoi tu veux que je tourne alors que c’est tout droit ! Y a des fois où je me demande si tout va bien dans ta tête de Sadida ! »

Il fallait s’arrêter là. Kouyu ne pourrait obtenir plus de Ioplaboume.

« Bon Iop ! On a la charge d’une mission ! Tu vois cette fiole, elle va arrêter cette guerre ! Il suffit de trouver Klorophyle et de s’en servir sur elle. Et dés qu’on aura accompli cette tâche tu pourras ramener du pain à ta femme. »

« Ah, chouette ! Parce que au bout de dix années d’absence, j’ai peur qu’elle pense que j’ai fuit avec une autre Iopette ! »

Le cœur de Kouyu (suite…………………………..)

« Mais doucement le Iop !!!!!! »

Au milieu du territoire de Klorophyle Kouyu tentait tant bien que mal de se dissimuler avec son compagnon Iop. Le plan ne plaisait guère au Iop qui aurait préféré une attaque frontale rapide, aidé de l’élan que pouvait donner la légère pente qui descendait sur le campement ennemi. Kouyu lui avait expliqué qu’avec une armée c’eut été possible mais qu’à deux contre quatre cents, cela risquait de faire un peu juste.
Ils s’étaient finalement arrêtés ente un bosquet et deux tonneaux vides couchés sur le flanc. Iop s’était installé le plus profondément possible dans les buissons tandis que Kouyu avait usé de son pouvoir pour se changer en arbre afin de voir les faits et gestes de l’ennemi sans être vu. Dés le lendemain matin cette armée serait attaquée par les compagnons de Kouyu. Klorophyle restant à l’arrière comme tout bon chef de guerre, Kouyu et Iop pourraient profiter de cette diversion pour surprendre Klorophyle avec une garde réduite.

Une lueur s’élevait à l’est. La nuit n’avait pas été douce, mais c’est à l’approche des premiers rayons du soleil qu’il fit le plus froid. Kouyu, toujours à l’état de feuillage, sentait ses racines se recroqueviller avec le froid qui rognait son écorce. Petit à petit il laissait ses feuilles tomber. Iop était réveillé depuis longtemps, sa main tremblait sur le pommeau de son épée. Il se languissait de cette attente et imaginait déjà le combat.

Kouyu ressemblait à nouveau à un sadida. D’un geste de la main il fit signe à Iop d’approcher.

« Tu es prêt ? » demandait Kouyu à voix basse, craignant d’être repéré.

« J’étais déjà prêt avant d’être prêt Kouyu. » Kouyu ne fit pas attention à l’illogique du Iop, il fixait les recoins du campement comme s’il s’attendait à y voir surgir un garde.
« Kouyu, j’ai préparé un coktail maison pendant que tu… que tu…. L’arbre quoi. Ca vient de chez moi c’est du WykIOPlaitlait. Tiens mon Kouyu, et à la tienne, que le grand Iop nous garde ! » Kouyu prit cette attention avec le sourire, il était curieux des boissons étrangères et aimait se déchirer le gosier avant une bagarre. Les deux bonnes choppes bien remplie ne durèrent pas longtemps. Satisfait du breuvage Kouyu empoigna le Iop par le cou.

« Bon le Iop, tu me donnes la potion, je la garde dans mon Zzzlip. On se débarrasse des quelques gardes. Dés qu’on se retrouve face à Klorophyle tu attires son attention je me faufile dans son dos, on l’immobilise et on verse la potion sur sa plaie. » Kouyu avait un regard sévère et déterminé.

« Bien pas de problème… mais… dis moi… cette potion… c’était le liquide blanc dans la fiole emballée d’une feuille de tronknyde ? » Le Iop tapotait ses index l’un contre l’autre et tirait sur un file de cuir qui dépassait de son armure. Il fixait le sol d’un air hagard, en attendant la réponse.

« Oui c’est celle là ! Passe la moi, on y va. » Kouyu avait les yeux rivés vers les tentes. Il tendait sa main au Iop qui devenait plus hésitant.

« Donc ce que tu es en train de me dire, c’est que la potion, c’est celle dont le liquide ressemble à du laitlait ? » le Iop s’écarta d’un pas en regardant sa choppe vide. Il tentait désespérément de faire glisser quelques gouttes de son breuvage dans la fiole vide qui était au centre de la discussion.

« Oui c’est celle-ci, donne la moi à la fin, tu commence à m’aga…. Du laitlait ! Mais… ne me dis pas que … ne me dis pas que… ton cocktail de Iop de mon Zzzlip… ne me dis pas que… » La barbe de Kouyu s’hérissait, ses yeux larmoyant s’injectèrent de sang.

« Ben si, j’ai cru que c’était du laitlait moi, alors dans mon cocktail… » Iop ne put finir sa phrase, le hurlement de Kouyu le fit sursauter.

« Je t’ai dit de ne pas le dire ! » Kouyu sursauta lui-même, se rendant compte qu’il venait d’alertait la garde de leur position.

« Ah bravo Kouyu ! On s’embête à être discret et voilà le travail. Mais je suis satisfait de voir que tu te décides à employer mes méthodes désormais, tu en auras appris des choses avec moi ! » N’attendant aucune réaction de la part de Kouyu, le Iop s’élança dans une charge spectaculaire. Son épée paraissait deux fois plus grosse que lui, il était tellement pressé de l’abattre sur ses ennemis qu’il donnait des coups dans le vide en simulait le cri de douleur d’un adversaire.
Kouyu resta sous état de choc encore quelques secondes. La bataille était finie pour lui, aucune victoire n’était possible. Et bien soit, s’il devait en être ainsi, autant que l’armée adverse s’en souvienne. Il s’avança alors en compagnie du Iop qui charcutait l’adversaire dans des éclats de rire déplacés. Kouyu frappait nonchalamment ses adversaires, il regardait dans le vide, peut-être pensait-il à la vie qui aurait pu l’attendre s’il n’avait pas échoué.

Les adversaires se faisaient peu nombreux, le peu qui restait se mit à fuir devant l’acharnement du Iop. Kouyu se trouvait face à Klorophyle, le Iop souriait bêtement, clamant qu’ils avaient l’arme capable de débarrasser Klorophyle de toute sa haine. Kouyu n’y prêta pas attention, il regardait Klorophyle avec envie. Elle était somptueuse, un sourire machiavélique torturait son visage, mais une douceur se cachait derrière ses pupilles. Kouyu voyait la plaie causée pas Sram. Une fumée noire s’écoulait de celle-ci. Il lui vint alors une idée.

« Le Iop on fait comme j’ai dit ! » Le cri de Kouyu brisa le silence pesant du campement.

Immédiatement Le Iop s’élança sur Klorophyle, en prenant garde de ne pas la blesser, l’obligeant à une suite d’esquive fatigante. Pendant ce temps Kouyu disparut derrière les tentes du campement.

« Ton ami a fuit petit Iop ! Il est bien plus malin que toi, ou peut-être tient-il simplement à la vie. » La voix de Klorophyle sonnait dans un sifflement vicieux, elle résonnait dans un vent de mépris et de haine.

« Il ne faut pas vendre la peau du bouftou avant de l’avoir… avant de l’avoir…. Il ne faut pas vendre la peau… avant… faut pas la vendre Klorophyle ! » Le Iop buttant sur sa réplique s’appuya sur son épée pour se gratter la tête. Oubliant totalement le combat, il vit une ronce soulever le sol et agripper sa jambe gauche.

Pendant ce temps, Kouyu courrait dans tout le campement à la recherche de l’infime espoir qui lui restait. Il s’arrêta soudain dans une exclamation de joie.
« Nom d’un BarouM de la bière ! Parfait ! »

D’un violent coup de bâton il perça le premier tonneau. Prenant les choppes qui reposaient à côté, il engouffra le liquide qui serait son seul salut. Entre chaque choppe il patientait un peu en regardant le ciel, d’un air pensif, comme s’il essayait de suivre le chemin de son breuvage à l’intérieur de son corps. Il vidait le premier tonneau et ne semblait toujours pas satisfait de son état, il ouvrait alors le second. A partir du troisième tonneau il poussait des gloussements étranges, riant de voir un prespic rose qui s’était coincé la queue dans le piqué d’une tente.
Soudain il s’arrêta de rire, d’une part parce que l’amusant prespic avait disparu, d’autre part parce qu’il sentait que le moment était venu.

« J’arrive le Iop ! » Cria-t-il en courant à pleine vitesse, enfin pour l’impression qu’il en avait.

Le combat n’était pas en faveur du Iop qui se trouvait entouré de poupées maudites poussant des cris aigues et plaintifs. Klorophyle s’approchait du Iop. Paralysé il ne pouvait que pester de son état en envoyant des regards cruels à son adversaire.

« Ton ami t’as abandonné. Veux-tu dire une dernière chose à ma dague avant qu’elle ne t’arrache de ce monde ? » Klorophyle laissait glisser sa dague sous la gorge du Iop. Celui-ci fronçait les sourcils et remontait son menton d’un air fier, puis, il sourit.

« Pourquoi souris-tu misérable tofu ! » Sur ses mots elle tourna la tête. Elle put alors contempler Kouyu, debout sur une tour de botte de foin, la barbe dégoulinante de bière, un sourire nié, et un peu de morve qui séchait sur sa barbe. En un instant, et en un seul bond kouyu s’élança dans le vide en direction de Klorophyle. Celle-ci n’eut que le temps de protéger son visage de l’impact. Kouyu avait atterri sur son dos, il se rétablissait en maintenant tout son poids sur sa victime. Le Iop fut libéré de son emprise. Il vint alors tenir les bras de Klorophyle qui se débattait malgré tout.

« Tu vois le Iop… » Disait Kouyu avec un rythme saccadé « … c’est pas parce que la potion est en nous qu’elle est inefficace. Faut juste qu’elle ressorte. »

Sur ces mots Kouyu souleva son Zzzlip pour sortir l’attirail nécessaire pouvant guérir Klorophyle. La bière avait fait son effet, se laissant aller et appréciant ce moment, il prit tout son temps visant avec précision la blessure de Klorophyle.


Revenons un moment sur cette action. Et profitons en pour voir tout son sens scientifique. Nombre d’historiens, et sadidologues ont étudiés le comportement amoureux des tribus Sadida. Sujet fort intéressant puisqu’ils ont des pratiques tout autant étranges qu’originales.
Examinons, par exemple, celle-ci. Lors de mariage dans certaines tribus, l’individu mâle doit uriner sur l’individu femelle pour lui exprimer toute sa dévotion et son amour. Beaucoup de scientifiques ont cru que cette pratique venait de l’observation des animaux, tel que le prespic, pour ensuite en imiter les actions. Raisonnement, certes, prodigieux mais pourtant pas infaillible. Nous en avons la preuve à cet instant précis où l’individu Megakouyu est le précurseur d’une tradition qui résistera longtemps dans les tribus Sadida du sud. Mais voyons donc la suite des évènements.


La fumée noirâtre qui sortait de la plaie de Klorophyle se figea, et dans un grincement strident elle disparut. Les yeux noyés de larmes, Klorphyle se retourna sur son sauveur, qui pointa l’index vers le ciel, voyant sa bien aimée, redevenue Klorophyle la belle et non plus Klorophyle la maudite.

« Ma belle ! Je me présente je suis Megakou…. » Kouyu s’évanouit de tout son long sur le sol. Peut-être le dernier tonneau de bière avait-il été de trop.
Klorophyle resta assise, regardant son héro allongé ronflant comme un trooll, transpirant comme un bwork, et laissant surgir des profondeurs de son gosier des filets de vomi malodorant, elle l’aimait déjà, son héros.

Yavanaa rêvait et dans son rêve Kouyu vivait une aventure grandiose, mais elle n'était pas là... tout en étant là...
L'impression était très étrange, elle se sentait immatérielle mais tout autour d'elle semblait bien réel. Cette impression la grisait un peu et l'amusait...

Elle avait été charmée par l'ami de Kouyu, Abraca et elle n'avait pu s'empêcher de se demander s'il n'avait pas un lien de parenté avec son amie abra, Cadabra.

Elle avait frissonné lorsque Klorophylle était apparue... un frisson causé en partie par la haine qui se dégageait d'elle et qui semblait glacer instantanément le coeur des êtres vivants autour d'elle, mais pas seulement pour cela.
Une joie saisissante et sauvage s'était emparée d'elle, une sensation grisante et bienvenue...
Inconsciemment, Yavanaa avait l'impression d'avoir retrouvé une amie... Elle n'éprouvait pas de peur, inexplicablement elle était heureuse de la voir devant elle.

Et elle avait senti, elle aussi, la fleur décrite par Abraca s'épanouir dans Kouyu... y plantant ses ronces fermement dans sa chair.
L'amour...

Elle vibrait avec Kouyu sur les champs de bataille, ressentait la même peine, la même impatience de voir cette guerre finir... et elle s'amusait de la compagnie du iop qui lui rappellait tellement son amie, Dollie.

Par moment, elle ressentait la solitude fondre sur elle, ses amis lui manquait et elle ne pouvait même pas communiquer, ni agir.
Spectatrice, elle ne pouvait sortir de ce rôle même si elle tremblait devant les dangers qui menaçait son ami et si elle l'encourageait de tout son coeur.

Lorsque Kouyu réussit à libérer la belle Klorophylle... malgré la joie qui l'envahit, Yavannaa ne put s'empêcher de se réjouir d'avoir épousé un sacrieur... et non un sadida!
Elle n'avait pas été initiée à ce rite dans sa tribu et n'aurait pas su y trouver un message d'amour ou s'y resoudre...

De nouveau la vue de Klorophylle éveilla une joie immense... qui enfla encore quand elle fut libérée de la domination de sram par Kouyu. Elle était tellement heureuse... Le monde était merveilleux...